L’éthique et les labels dans les écoles de commerce: business ou leurres ?

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Interview de:

Michel de Kemmeter Founder and Managing Director of UHDR UniverseCity

Philppe Drouillon Process Excellence & Change Manager at SA. Solvay

Dans quelle mesure considères-tu la RSE comme important dans le monde des affaires actuel ?

Michel : Je pense que c’est actuel. Nous sommes dans une phase de transition. Si la RSE n’est pas intégrée dans l’entreprise de demain, dans sa raison d’être, je ne parierais pas gros sur l’avenir de cette entreprise. En d’autres termes, pour moi, c’est capital. Mais la RSE comme elle est aujourd’hui non, ça sera une autre forme de RSE.

Philippe : La manière dont la RSE est mise en œuvre dans l’activité cœur de l’entreprise est très importante. C’est ce qui va décider si la RSE est liée ou pas à l’entreprise. En principe la RSE est là pour transformer l’entreprise. Si ce n’est qu’un add-on pour justifier une tendance de mode qui est grandissante ou des exigences de certains investisseurs financiers qui veulent une dimension éthique, j’ai effectivement des doutes sur l’impact réel de la RSE dans l’entreprise.

Pour revenir à ce que vous disiez Michel, quelle sera la transformation majeure de la RSE ?

Michel : Ce sera une RSE intégrée dans la raison d’être à proprement parlé de l’entreprise. Cela veut dire que mon business ajoute de la valeur sociale et sociétale, de la valeur à l’environnement, de la valeur à l’écosystème dans lequel mon business fonctionne (de l’écosystème au sens large). Nous ne sommes pas là pour se dire que nous allons faire attention aux dégâts collatéraux, nous allons tacher de diminuer à zéro les dégâts collatéraux que nous faisons. Prenons l’exemple d’un fabriquant d’armes. La raison d’être des armes est de tuer des gens, soyons clairs. Après on peut dire que les armes servent à protéger, qu’elles ont un usage préventif, mais ce n’est pas leur réel objectif. Par contre cette entreprise qui fabrique des armes a une raison d’être. Lorsqu’on discute avec des gens qui fabriquent des armes, on apprend que ce sont des passionnés de la mécanique fine. Il y a du potentiel pour faire d’autres choses avec cette passion aussi. De mettre ces compétences en mécanique fine au service d’autre chose. L’un n’empêche pas l’autre. C’est graduellement aller vers une entreprise qui contribue, avec cette passion pour la mécanique fine à faire des projets pour solutionner un problème x, y ou z. Donc c’est dans la raison d’être même, dans l’éthique, dans l’authenticité. Avec qui je suis moi individu, je mets mes talents au service du bien commun d’abord et puis après je vois ce que je fais. Mais mon intention première est de servir. Si on switch tous en passant de : je sers mon nombril, je sers mon portefeuille et je sers mon égo vers je sers le bien commun, j’apporte de la valeur à des écosystèmes. Tout à coup on va rentrer dans le monde de demain. C’est pour moi une condition sine qua non. Je n’ai pas beaucoup d’espoir positif ceux qui s’obstinent à servir leur égo. Ils vont de plus en plus avoir difficile. Ce n’est plus crédible.

Est-ce que vous pensez que le slogan de la LSM « Excellence and Ethics in Business » est pertinent pour inciter les entreprises à engager des étudiants de Louvain ?

Michel : « Excellence and Ethics », je n’y crois pas. Si je suis une entreprise, je n’y crois pas. Je connais un peu la LSM, ils sortent des profils, oui, mais je n’y crois pas. Aujourd’hui, en 2013 soit 6 ans après la crise et à ma grande surprise, on sort encore des profils, tu les connais, tu les côtoies, des profils qui sont pour la maximisation du shareholder value peu importe comment faire. Et ça me sidère. Donc, d’une part je n’y crois pas. D’autre part, oui dans la communication « Ethics » tu vois encore je ne suis pas sûr. Ce n’est pas parce que je déclare que je suis éthique que je suis éthique. J’ai envie de voir des gens éthique, j’ai envie de voir des projets dans et autour de la LSM, je veux voir des projets qui vivent, qui manifestent quelque chose et qui créent de la valeur. Je ne vois pas ça aujourd’hui. Je vois beaucoup d’égo à la LSM, peu d’ouverture sur le monde, peu d’ouverture sur ce qu’il se passe dans les entreprises (peu ou pas pour certains). Ces gens sont là et sont payés à l’année pour donner des cours, ils ne sont pas payés pour aller voir ce qu’il se passe dans le monde. Et puis eux vont former nos enfants ? Déformer nos enfants ? Donc pour moi la réponse est si vous cherchez une guideline cela fera l’affaire mais personnellement en tant qu’entreprise je n’y crois pas.

Philippe : Par rapport au thème de la RSE « Ethics » est pour moi un terme réducteur. Je trouve que ça n’illustre pas vraiment la transformation qu’on attend d’une entreprise lorsqu’elle décide de mettre réellement en place la RSE. Pour moi il y a une question de citoyenneté. C’est un terme un peu bisounours mais « Excellence and Citizenship » passerait mieux. Il faut trouver un mot qui définit davantage ce qu’on attend en termes de responsabilité d’un manager ou d’une entreprise par rapport à cette fameuse RSE. Mais « Ethics » je trouve vraiment que c’est un terme réducteur. Et bien sûr comme vient de le dire Michel il y a tout l’aspect de cohérence derrière. « Excellence and Ethics in Business » et social responsibility par exemple. Concrètement cela veut dire quoi ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Qu’est-ce qu’on apporte ? Pour vraiment faire en sorte qu’effectivement on ait des futurs leaders qui ont effectivement intégré, pas uniquement dans les process de travail et dans une approche RSE spécifique adoptée par les entreprises, mais également dans le comportement. Est-ce qu’il y a des aspects là-dedans où les personnes vont pouvoir mettre en pratique une transformation personnelle qui en feront les leaders responsables de demain. Il faut faire attention, soit effectivement c’est un branding pour attirer et après c’est business as usual et les personnes vont sortir de là avec un cursus qui n’est pas différent de ce que c’était avant, soit il y a vraiment une transformation qui va en faire des personnes excellentes…en « Excellence » qui vont quand même délivrer ce qu’il faut délivrer quand on est une entreprise avec un but lucratif mais également responsables. Mon propos n’est pas de dire que tout le monde va devenir après bénévole ou patron d’ASBL. Pour moi le mot « Ethics » est réellement très restrictif. En termes de responsabilité, il y a ça mais il y a beaucoup plus et il faudrait trouver un mot sans doute plus fort qu’uniquement « Ethics », qui inclurait derrière toute la dimension développement des futurs leaders qui vont rentrer dans ce cursus, dimension qui va aussi être prise en compte également.

Michel : « excellence », je pourrais acheter ce mot si c’est bien compris. J’ai pas mal presté dans des écoles de commerce, on voit cette puissance qu’à un individu quand il présente quelque chose, cette force qu’on sent derrière, ça pour moi c’est l’excellence. Ça donne envie. Celui-là il me le faut. Quelqu’un qui est effacé, où on a l’impression qu’en le poussant il va tomber ce n’est pas excellent. Ce n’est pas parce que sa tête est bien remplie, très très très remplie, qu’au niveau corporel, au niveau humain comme un ensemble il soit bien construit, il soit solide. Vous n’êtes pas du tout préparés et ce n’est pas que pour la LSM. Encore une fois il ne s’agit pas qu’on vous dise que vous êtes les meilleurs. Là on rentre dans une guerre d’égo. L’humilité est le contraire de l’égo. L’humilité créé une force de frappe incroyable dans les entreprises. Est-ce que je suis à l’écoute de ce que mon écosystème a besoin ? Si je suis à l’écoute de ce que mon écosystème a besoin et que je suis capable de répondre aux besoins de l’écosystème, là on est gagnant.

Qu’est-ce que vous pensez des labels et des accréditations de la LSM ?

Michel : Je ne connais pas ces labels, je sais qu’il y a EQUIS. Je connais également le CEMS qui est un regroupement de Business School permettant aux étudiants de travailler avec des gens d’autres horizons ce qui est très bien et super positif. Quant à EQUIS, pour un peu savoir tout ce qu’il se passe derrière et les drames que cela provoque, parce que la course après l’accréditation a pour moi été contreproductive. Cette course a effacé certaines spécificités de certaines écoles de commerce, certaines universités parce qu’il faut un label sinon on est plus dans le jeu, sinon on ne pourrait plus faire payer au prix fort nos exécutives programmes, pour nos master et des trucs comme ça. Cette course contreproductive a effacé pour moi une forme de diversité ce que je trouve très dommage. Cette course a mis le focus de gens intelligent sur de faux débats. Cela a pris combien de temps EQUIS ? La guerre des labels c’est quoi ? Cela a pris 10 ans ? Lorsque EFMD a lancé EQUIS, ça a été tout à coup la course aux fusions parce qu’il fallait un certain seuil pour avoir x critères remplis. Ils se sont concentrés sur des faux débats. Le vrai débat est que nous avons besoin de gens qui ont confiance en eux, qui savent travailler en équipe, qui savent réfléchir différemment, qui sont capable de mobiliser ; ce sont les clefs de succès. Ce n’est pas nouveau, cela fait 30 ans que l’on sait que ce sont les clefs de succès des gens qui devraient normalement sortir de vos écoles. Et où sont les écoles où on apprend tout ça ? Ça c’était les vrais enjeux. Et ils se sont battus sur le fait de pouvoir cocher une to-do-list pour pouvoir avoir EQUIS. C’est mon propre avis mais cela a été pour moi contreproductif quand on pense aux mariages obligés entre des écoles de commerce ayant des valeurs différentes. Il y a des dizaines d’exemple comme ça et c’est contreproductif. Gardez vos spécificités c’est comme si tout à coup on te disait on va te marier avec une italienne et surtout ne dit pas que tu es italienne parce que ça sera mauvais pour le business. Non, tu es italienne et voilà vient avec ton histoire, vient avec ton bagage, vient avec ta spécificité, Donc moi je suis très négatif par rapport à ça. Mais bon on en change pas l’histoire, ce n’est en tout cas pas là-dessus que je vais guider le choix de mes enfants. Au contraire, moi je vais leur dire vous allez choisir vos études en fonction de ce que vous avez envie de faire vous ferez des études à la carte. Ce n’est pas le diplôme qui compte, c’est votre passion et le sens que vous donnez à votre vie. Va sur Youtube tu verras j’ai fait une conférence en Italie à Formia, on est en 2007 et l’histoire c’est qu’ils ont coupé des passages qui les avaient dérangés. Mais ils n’ont pas coupé lorsque je disais qu’on était en 2007 et que j’expliquais l’histoire de ce qui fait le succès de quelqu’un qui rentre dans la vie professionnelle : la maitrise, l’excellence, la passion et je dis c’est déjà trop tard. On est en 2013, est ce qu’on a avancé ? Non. On a fait juste le contraire de ce qu’il fallait faire. Qu’est-ce qu’un étudiant en a à faire du label de l’école dans lequel il est ?

Philippe : Effectivement ce que je pense c’est que l’étudiant n’en a rien à faire des labels. Ce qu’il attend surtout c’est de se construire lui-même dans ce cursus-là. Les moments où les étudiants en retirent le plus sont les moments où ils ont dû construire quelque chose et donc apprendre en faisant et non pas apprendre en écoutant passivement. Le but d’être dans une démarche d’apprentissage est d’ensuite transformer ce savoir en quelque chose de concret. L’humain lui a envie de contribuer à quelque chose “en faisant” et non uniquement en absorbant. Je pense qu’il y a effectivement un déséquilibre patent qui dure depuis longtemps et on n’a rien changé là-dessus. C’est cet équilibre entre ce que j’appelle le on the job learning et une partie learning qui est nécessaire, une induction à faire sur des sujets que l’on ne peut pas le faire autrement qu’au travers d’un exposé magistral avec des questions réponses si possible pour apporter de l’interactivité. Mais le plus vite possible il faut que l’apprenant expérimente car entre ce qu’il entend et ce qu’il se passe réellement il y a une marge. Et ça c’est inestimable. Lorsque j’anime des écoles y compris en secondaire, quand on me fait venir pour un exposé je leur dit non, je vais vous faire participer à un projet et ce que vous allez apprendre c’est à gérer un projet, vous allez apprendre du contenu, vous allez apprendre ce que c’est une réalité. Cette réalité c’est travailler avec les autres, se rendre compte que j’ai du mal avec cette personne et se questionner par rapport à ça pour faire en sorte d’améliorer mes relations de travail et atteindre ainsi les objectifs que nous nous sommes fixés. Il faut le vivre pour pouvoir après le répliquer de mieux en mieux. Par exemple, un cours magistral sur le project management n’a pas de sens. Mieux vaut essuer les plâtres en essayant et autant prendre des risques là où il n’y a pas encore de conséquence énorme comme lorsque tu étudies. Par contre, aller se casser la figure en entreprise où on attendra de toi de délivrer des choses et où tu seras peut-être au pied du mur, ti risques de te sentir désarmé. Pour moi là il y a vraiment une refonte en profondeur à faire pour que chacun se sente outillé pour pouvoir aller au charbon après.

Vous qui êtes acteurs de la nouvelle économie, pensez-vous que les valeurs RSE peuvent créer un avantage concurrentiel ?

Michel : on s’est rendu compte que la nouvelle économie qu’il y avait 3 clefs de la nouvelle économie : 1/ la nation d’écosystème, 2/ la notion de valeur et pas que financière et matérielle mais celle à 7 étages puisque nous proposons 7 bilans à faire [http://uhdr.net/7d-value/], 3/ tout ce qu’on fait doit être mis au service du bien commun, au service sociétal. La notion de service, de sens, de raison d’être, qui contribue à quelque chose de noble, c’est la première étape quand on créé un nouveau business dans la nouvelle économie. Cela inclut évidement l’action RSE. La raison d’être est d’être responsable socialement, écologiquement. Alors pourquoi c’est si important la RSE ? On sait aujourd’hui, et c’est scientifiquement prouvé, que la motivation humaine qu’elle soit celle des actionnaires, du management, des employés, des clients, des partenaires, des fournisseurs c’est le sens. Le sens est le plus grand driver de la motivation. Ce n’est pas l’argent le motivateur, c’est le sens et surtout dans un monde qui est en train de changer le seul driver possible est le sens. C’est aussi la seule possibilité d’une entreprise européenne pour avoir des clients, elle doit offrir quelque chose en plus, une question de sens, pour que client soit d’accord de payer un peu plus cher pour un service, pour une proximité. La RSE doit être indissociable et inclue dans le modèle.

Philippe : Encore une fois il faut éviter que la RSE soit un appendice qu’on vient greffer sur un système. Surtout pas. C’est malheureusement trop souvent le cas aujourd’hui. Cela doit être inclus dans le système. Ce n’est pas faire moins de mal mais faire plus de bien. Il ne suffit pas de dire qu’en diminuant ses émissions de CO2 de 20%, on fait de la RSE. Non la RSE c’est aller au-delà de ça, c’est se donner vraiment des objectifs ambitieux. Ça ne veut pas dire qu’on va pouvoir le faire demain et bienvenue aux critiques qui nous dirons « vous aviez dit que vous seriez 0 émissions et vous ne l’êtes pas ». La réponse sera “j’ai dit que mon ambition était d’aller vers 0 émissions”. Dans la nouvelle économie il va falloir être plus courageux, il faudra vraiment se dire je prends mon courage et j’affirme que c’est là que je veux aller pour faire plus de bien et pas moins de mal (économie d’aujourd’hui où la tendance est à la temporisation). Donc pour moi oui la RSE est l’une des clefs, l’un des drivers des business models à venir qui seront clairement ceux de la nouvelle économie. Et encore une fois cela ne veut pas dire qu’en étant au service de on va perdre de l’argent. Il faut réinventer quels sont les moyens, quels sont les modèles que je dois construire pour répondre à des besoins fondamentaux et à des challenges majeurs tout en construisant une entreprise qui est économiquement stable et viable. Tout l’enjeu est de mettre la RSE au centre de la stratégie de ces entreprises du futur. C’est le point d’entrée qu’il faut absolument prendre en considération.

Michel : Quand tu vois le nombre d’étudiant de la LSM qui suivent des cours de RSE, genre c’est 100% on sent que la tendance est là.

Philippe : On a fait le tour des labels mais par contre si on veut vraiment être un acteur incontournable de la CSR voilà ce qu’on veut. Donc c’est revoir le business model de la LSM et de se dire cela veut dire quoi RSE au cœur des processus de la LSM. Qu’est-ce que cela veut dire concrètement. Un cours de RSE où on essaie de développer la capacité managériale et de leadership etc en expérimentant. Il y a sans doute là un travail à faire, une raison d’être pour la LSM. Est-ce que c’est une case qui est cochée pour dire “voilà on est bon on est dans le système” ou bien c’est ce qui fait notre différence par rapport aux autres. Dans ce cas, quelles sont les tendances futures qui vont impacter la LSM et quelles sont celles qui offriront des opportunités pour la LSM ? Et comment transformer cela en une stratégie RSE logée au coeur de l’organisation ?

Quel est l’intérêt d’une option CSR dans le cursus de la LSM ?

Philippe : il ne faut pas d’option CSR mais de la CSR dans chaque cours, dans tous les cours partout. Pas à la fin du cours avec un peu de CSR mais à toutes les heures. Cela doit être dans les indicateurs de performance. Une option de CSR c’est un module qu’on vient plugger sur le cursus. La CSR doit vraiment être encapsulée, partout.

Michel : La CSR doit être dans l’ADN du cursus à partir de la première année de bachelier où on vous dit voilà, vous allez rentrer dans un monde où la notion d’authenticité, d’éthique, de cohérence et de verticalité sera incontournable. Historiquement on vient d’un monde où la shareholder value était la seule chose qui comptait mais sachez que dans votre monde, la seule chose qui comptera sera l’authenticité, la puissance personnelle et la contribution à un projet commun. C’est comme ça que l’on fera tourner le monde et pas autrement. C’est à partir de la première semaine, au discours d’introduction de la première année de bachelier qu’il faut en parler et là on aura gagné.

Pensez-vous qu’il faudrait saupoudrer toutes les matières enseignées en master de RSE ?

Philippe : Non pas saupoudrer, je n’aime pas ce mot. Il faut vraiment que cela soit dans le cœur et dans l’ADN du cursus et clairement que cela fasse naître des dilemmes. Ce n’est pas parce que tu dis que la CSR doit être dans l’ADN de la supply chain que cela créé une valeur ajoutée dans le monde réel. Il y a quand même cette articulation à faire entre “do more good” et la viabilité économique de l’entreprise.  Donc comment gères-tu, comment arbitres-tu, comment fais-tu évoluer ta boite ? Il y a des situations où tu es obligé d’arbitrer, il y a des situations où en fait tout va aller dans le même sens et cela va faire que l’entreprise est durablement viable. Cela doit être des discussions qui doivent avoir lieu avec les étudiants.

Michel : Créer une option nouvelle économie serait intéressant. On y intégrerait des exercices avec des notions de dilemmes. On vous ferait bosser tout le temps sur des dilemmes du style : je suis une entreprise dans une niche, si je mens je peux faire 2 fois plus de CA, je fais quoi ? Si j’achète un produit moins cher cela va être un peu plus toxique mais je vais faire plus d’argent, je fais quoi ? Je peux engager un requin ou un garçon avec plus d’empathie moins performant mais plus en lien avec mes valeurs, je fais quoi ? Tu auras peut-être moins de business mais tu vas attirer un autre genre de clientèle.

Que manque-t-il aux étudiants de la LSM pour participer à la nouvelle économie ?

Michel : 1/ La personne, le développement de soi et de ses capacités, de ses qualités humaines, de son intuition, de sa santé est au moins aussi important que sa connaissance. Il faut parvenir à comprendre cela. Vous ne vous en rendez pas compte Je suis allé il y a deux jours assister à un jury où des étudiants de l’ICHEC présentaient des business plan, ils ne sont pas prêts. Ils vont se faire souffler, pulvériser par l’économie.

Philippe : 2/ Tu peux être acteur de la transformation vers la nouvelle économie uniquement si tu te transforme toi-même. Ce n’est clairement pas uniquement dépendant de l’étudiant mais aussi de la manière dont le cursus va être organisé pour qu’il soit transformateur. Cela va consister en une série de mini transformations. Cela ne sera pas une révolution mais une évolution. Les étudiants sortiront de leur cursus différents. Pas uniquement différents dans leur tête mais différents dans ce qu’ils sont et dans ce qu’ils vont faire.

Michel : 3/ Une compréhension de base des modèles économiques émergents. On en dénombre, une vingtaine : la long tail economy, la performance economy, la circular economy, la knowledge economy, la sharing & cllaborative economy, la systemic economy,…. Est-ce qu’on vous apprend ça ?

Philippe : 4/ L’intelligence collective. Tous ces projets ne fonctionneront que si on les gère différemment de la manière dont on les gère, dont on interagit, dont on manage aujourd’hui. L’intelligence collective nécessite une ouverture beaucoup plus grande que ce qu’il se passe actuellement. Il faut remplacer le control and command par d’autres pratiques de management et de travail ensemble. Il est encore malheureusement trop présent. Il faut vraiment faire en sorte que lorsque l’on sort de l’université en tant qu’étudiant on puisse se dire moi je vais manager différemment, je vais être un leader collaboratif parce que cela veut dire être à l’écoute de l’écosystème, cela veut dire être humble. Tous ces aspects doivent être vécus et pratiqués par les étudiants pour qu’ils se sentent suffisamment à l’aise et en confiance pour aller oser mettre en œuvre les outils qu’ils auront acquis lorsqu’ils seront sur le marché du travail. C’est cela qui va faire la réelle transformation du système.

Michel : Pour compléter le sujet de l’intelligence collective cela veut dire savoir travailler avec des gens différents, de culture différente, d’intelligence différente et de mettre ces perspectives ensemble pour solutionner des problèmes, pour innover, pour gérer. C’est tout un programme, c’est quelque chose qui ne s’invente pas. Ça se travaille, ce sont des méthodes.

5/ La compréhension de l’écosystème, c’est-à-dire maîtriser vraiment comment on définit un stakeholder model dans une entreprise. Cela veut aussi dire détecter les besoins des parties prenantes au niveau de l’environnement et des ressources parce que si j’ai tout à coup ce regard constructif en voulant répondre aux besoins des parties prenantes de mon écosystème je vais récupérer des ressources, des réseaux, de la vente, de l’intelligence, des marchés, des réseaux de distribution pour mes produits services, des facilités au niveau administratif. Alors que si je suis contre mon écosystème je vais me battre et perdre mon temps mon énergie et de l’argent et je vais faire faillite. Je connais plein d’exemple de boites qui se battent contre l’écosystème.

Philippe : 6/ La capacité de conduire le changement est aussi très important. C’est-à-dire si aujourd’hui tu dois développer ton projet, tu dois être capable de conduire le changement vis-à-vis des résistances, vis-à-vis des personnes qui vont être des pionniers, etc. C’est toute une démarche. Il ne suffit pas uniquement de montrer les 5 grandes étapes de la conduite du changement mais aussi expérimenter et se rendre compte par quelles étapes peuvent passer les individus et le collectif par rapport à une nouvelle situation. Ça peut faire peur, enthousiasmer, laisser indifférent … comment est-ce que j’embarque tout le monde dans quelque chose de nouveau qui va créer toute une série de sentiments différents par rapport à ce changement. Comment créer cette burning platform pour pouvoir marquer le maximum de monde ? C’est quoi le changement viral ? Comment je contamine petit à petit ? Il faut que les étudiants sentent au moins ce que c’est sinon il leur manquera réellement quelque chose par la suite pour être à même d’appréhender ce genre de situation.

Michel : Ce sont de nouveau des méthodologies qui demandent une rigueur de compréhension profonde de comment ça fonctionne. Dans un changement il y a des phases. Dans la transition entre chaque phase il y a des peurs à gérer et comment j’anticipe ces peurs ? Comment je rassure ? Comment je remobilise les gens ? ça ne s’invente pas. On ne peut pas bruler les étapes sans aller droit à la catastrophe. Il va falloir learning by doing pour se préparer au changement, faire et apprendre sur le tas.

7/ Avoir des vraies base de psychologie humaine appliquée, de psychologie comportementale voire de spiritualité. Cette psychologie élevée de réalisation de soi, d’épanouissement en fait. Comment cela fonctionne ? Comment un africain vit ça ? Comment un latino vit ça ? Comment un asiatique vis ça ? Mais un indien n’est pas un chinois. Comment les gens des pays de l’est vivent ça ? Un anglo saxon ? C’est à dire aussi avoir des notions profondes des différences culturelles. La psychologie, sociologie et l’histoire sont nécessaires pour comprendre d’où les gens viennent. Dans 10 ans la Belgique va devenir un couloir et il n’y aura plus de belge au profit d’une plus grande mixité. Cela sera également le cas en Amérique Latine au vu des mouvements des travailleurs. Les notions de croyances et de religion sont également importantes pour comprendre ce qui sous-tend une culture. Très souvent les croyances fondamentales sont liées aux religions.

8/ Avoir cette capacité de discerner la valeur à plusieurs étages. C’est très important de savoir-faire et de façon rigoureuse des bilans de valeur, un bilan de valeur écologique, un bilan de valeur financier et ça vous l’avez déjà en analyse financière et en comptabilité. Il faut aussi faire des bilans émotionnel et être capable de dire si on est motivé ou pas, si on a confiance ou pas, si on est en empathie ou pas, si on est dans des jeux politiques ou pas. Un bilan de la communication doit être également fait. Un bilan des connaissances est important. C’est quoi les connaissances ? Ça veut combien ? Comment ça coûte de développer la connaissance et quel est l’avantage de partager mes connaissances ? On est dans l’économie de la connaissance depuis 150 ans mais comment est-ce que je gère ma valeur de connaissance ? Est-ce que je la garde pour moi en la brevetant ou est-ce que je la partage et à ce moment-là comment je capte la valeur ajoutée que je peux créer avec ma connaissance. Tout ça est encore un terrain pratiquement vierge. La notion du bien commun aussi. Quelle est la valeur que j’ai créée ? Quel est le bilan et comment je mesure la valeur ? Tout ça se mesure. Si on ne mesure pas on ne créé pas de valeur. Il faut commencer par savoir mesurer.

Philippe : 9 / Tout ce qui est veille sectorielle est important. Je ne parle pas de la veille générale classique où on décode les gros signaux assez facilement. Je pense à tout ce qui est signaux faibles. C’est-à-dire avoir cette sensibilité de se dire que quelque chose est en train de passer sous le radar mais pourrait avoir un impact significatif dans le domaine où je travaille. C’est vraiment développer ses antennes, cette sensibilité qui va faire que je vais être la personne qui va anticiper en profondeur et pas rejeter rapidement ces signaux d’un revers de la main.

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